Elever des enfants en Occident
Par:
Dr. Ahmad Shafaat
(1986)
Traduction en français par la soeur
Louisa.
Dans l’éducation de nos enfants, que ce
soit en Occident ou n’importe où ailleurs, notre objectif devrait
évidemment être de les aider à obtenir le meilleur dans ce monde et
le meilleur dans l’autre monde – le succès et le bonheur dans cette
vie et le salut et le paradis dans l’au-delà. Cela signifie que nous
devrions aider nos enfants à poursuivre avec succès les études ou
formations nécessaires menant à une profession et aussi leur fournir
tout ce dont ils ont besoin pour devenir de bons musulmans.
Etre un bon musulman est non seulement nécessaire pour le salut et
le paradis mais c’est aussi utile dans ce monde. Le Bien, les
habitudes, la discipline et le sens de la responsabilité que l’Islam
inculque peuvent énormément aider les enfants dans leurs études et
plus tard, dans la pratique couronnée de succès de leur profession,
tandis que la foi et la croyance en Dieu que l’Islam enseigne peut
ajouter le bonheur et la paix à leur succès dans la vie.
Pour aider les enfants à devenir de bons musulmans, deux choses sont
essentielles :
1) un bon rapport parents-enfant
2) une forte identité musulmane des parents
Dans une société musulmane ces deux choses sont généralement
suffisantes; si un bon rapport parents-enfant existe -de sorte que
les enfants ne développent pas de sentiment de rejet par rapport à
ce que leurs parents représentent-, alors l’identité musulmane des
parents, si elle est suffisamment forte, se transmet naturellement
aux enfants. Cependant, dans le monde occidental, les choses
mentionnées ci-dessus ne suffisent pas d’habitude, puisque
l’identité musulmane des parents aussi bien que des enfants subit de
nombreuses et puissantes pressions auxquelles une famille moyenne ne
peut pas résister seule. Donc en Occident, un troisième facteur est
nécessaire :
3) la coopération d’une communauté musulmane organisée, unie et
dynamique.
Regardons ces trois facteurs un peu plus en détail.
RAPPORTS PARENTS-ENFANT
Un bon rapport parents-enfant repose sur l’amour et le respect entre
les parents et l’enfant. Etablir ce rapport relève de la seule
responsabilité des parents et ils peuvent le faire en donnant à
leurs enfants un amour sans réserve, qui génère alors en retour
l’amour des enfants, le respect et l’obéissance pour les parents. Ce
processus naturel est cependant perturbé et le rapport
parents-enfant commence à se heurter à des problèmes si les parents
ne peuvent pas ou ne donnent pas l’amour suffisant aux enfants. On
croit souvent que les parents aiment toujours leurs enfants. Mais
cette idée, quoiqu’elle ait l’appui d’un hadith (voir la note) est
en conflit avec le saint Qu’ran et les faits observés. Le saint
Qu’ran mentionne ces arabes païens qui enterraient leurs petites
filles vivantes :
"Lorsque la fille enterrée vivante à la naissance sera interrogée
sur le pêché qu’elle a pu commettre pour être tuée"(81 :8-9)
C'est là une reconnaissance que les parents peuvent commettre le "zulm"
(l'injustice, la cruauté) envers leurs enfants et qu'ils devront
répondre de cela au jour du Jugement dernier.
La cruauté envers les enfants n'est pas quelque chose qui a existé
uniquement à un moment donné de l'histoire, chez les Arabes de la "Jâhiliya"
(période de l'ignorance et des pratiques païennes précédant la venue
de l'Islam). À une échelle plus ou moins grande, c'est une pratique
présente dans toutes les cultures. Même dans la moderne Amérique du
Nord, "civilisée" et prospère, des centaines de milliers d'enfants
sont soumis chaque année à la torture impitoyable de leurs parents,
dont beaucoup, à la différence des Arabes de la "Jâhiliya", ne
connaissent de difficulté économique d’aucune sorte. Ceux-ci sont
sans aucun doute des exemples extrêmes mais ils devraient détruire
le mythe que tous les parents n’ont que de l'amour pour leurs
enfants.
En sortant de ces cas extrêmes pour revenir à la normalité, on peut
cependant dire qu'une énorme majorité de parents, particulièrement
les parents musulmans, aiment vraiment leurs enfants. Néanmoins, il
n'est pas certain que les parents "normaux" donnent l'amour
suffisant à leurs enfants. Je serais enclin à penser que la plupart
d'entre eux ne le font pas. En tout cas, on peut toujours bien faire
en admettant la possibilité que, de temps à autre, en tant que
parents, nous pouvons ne pas donner assez d’amour à nos enfants.
Admettre cela au lieu de l'ignorer mettrait les parents dans une
bien meilleure position pour établir un bon rapport avec leurs
enfants...
À ce point, un mot devrait être ajouté sur la nature de l'amour.
Aimer ne signifie pas choyer continuellement les enfants et céder à
tous leurs désirs. L'amour est plutôt un souci pour le bien-être et
le bonheur des enfants, qui se manifeste dans la douceur quand la
douceur est nécessaire... et dans la fermeté quand la fermeté est
nécessaire. Etre ferme nécessite beaucoup d'effort. Les parents
peuvent faire cet effort seulement s'ils se soucient assez de leurs
enfants.
En s’occupant des enfants, essayez d'éviter les sentiments négatifs.
Par exemple, si les enfants sont grossiers avec vous - et en
Occident les enfants peuvent être assez grossiers avec leurs parents
- ne leur demandez pas de nettoyer leurs chambres, etc..., par
vengeance. Les enfants sont beaucoup plus conscients des sentiments
réels de leurs parents que nous pouvons le penser. Si les parents
ont des sentiments négatifs ou de vengeance envers eux, ils vont
probablement réagir négativement à ce que les parents leur disent.
Nous devrions essayer d'être cohérents avec nos enfants. Nous ne
devrions pas, par exemple, les empêcher de faire quelque chose de
mal quand nous sommes fâchés et le tolérer quand nous sommes de
bonne humeur.
Une bonne communication est aussi nécessaire pour établir un bon
rapport parents-enfant. Si un enfant ne répond pas positivement à ce
que vous dites et cela arrive à maintes reprises, alors il est
temps, non pas de devenir de plus en plus furieux et frustré, mais
de penser et de parler à l'enfant ou de découvrir autrement ce qui
se passe dans son esprit.
TRANSMETTRE L’IDENTITE MUSULMANE
Venons-en maintenant au sujet de la plus haute importance, celui de
communiquer l'identité Islamique à nos enfants en Occident. A ce
propos l’exigence principale est évidemment que les parents
eux-mêmes aient une forte identité musulmane. Mais il y a des points
complémentaires importants qui doivent être gardés à l’esprit.
Dans le développement de leur identité musulmane, nous devons
naturellement bien faire comprendre à nos enfants que nos voies
diffèrent tout à fait de celles du reste de la société occidentale.
Mais cela ne devrait pas être fait de façon à créer l'hostilité
envers la société occidentale dans son ensemble. Cela peut créer un
conflit émotionnel chez un enfant et c'est aussi contraire à l'Islam.
Le saint Qur'an dit des gens du livre qu’ "ils ne sont pas tous
semblables" (3:113) et il loue certaines de leurs bonnes qualités en
condamnant ce qui est mauvais chez eux (5:85-87, 57:27, etc). Nous
ne devons donc pas faire une condamnation générale de la société
occidentale dans son ensemble, mais leur désigner plutôt ce qui est
bon dans cette société et ce qui est mauvais. Nous devrions les
aider à s'identifier avec ce qui est bon ici et à rejeter ce qui est
mauvais.
Par exemple, nous devrions leur dire : "la plupart des occidentaux
croient en la Trinité et en la divinité de Jésus (saws), que nous
rejetons totalement. Mais il y a beaucoup d’occidentaux qui croient
à un Dieu et à la prophétie de Jésus (saws) presque de la même façon
que nous." "La plupart des occidentaux boivent de l'alcool et/ou
prennent des drogues, mais beaucoup rejettent cette pratique, comme
nous les Musulmans." "Beaucoup d’occidentaux sont homosexuels ou
sont moralement disposés à accepter cette déviation. Mais beaucoup
d'autres considèrent ça comme immoral, de même que nous le faisons."
"Beaucoup d’occidentaux sont pour l'avortement mais presque autant
sont contre cela." Nous devrions ensuite mettre l'emphase sur le mal
provoqué par les choses interdites par l'Islam, par exemple la mort
par accident, les vies ruinées, les foyers brisés à cause de
l'alcool et des drogues etc... et le SIDA à cause de l'homosexualité.
On devrait aussi attirer l’attention de notre jeunesse sur le fait
que, sur certains aspects, la société Occidentale est plus Islamique
que la plupart des sociétés Musulmanes. Par exemple, il y a la
pluralité d'expression politique, ainsi que le respect du droit
constitutionel, qui sont plus Islamiques que l'autorité arbitraire
des dictateurs et des rois qu’on trouve dans la plupart des pays
Musulmans. Il y a aussi généralement moins de corruption ici que
dans certains pays Musulmans. Beaucoup d’autocritique n'affaiblira
pas, à la longue, l’identité Musulmane des enfants, mais la
renforcera plutôt. De plus, il aidera certains d'entre eux en
grandissant à être des réformateurs, ce dont nous avons tant besoin...
Dans les questions d'ordre secondaire au sujet desquelles il y a des
divergences parmi les musulmans (par exemple concernant la façon
exacte de prier, qui aurait du être le chef des musulmans après la
mort du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam)) nous pouvons dire à
nos enfants ce que nous pensons, mais sans être trop dogmatiques.
Nous devrions nous concentrer à inculquer de l'amour pour Dieu, le
Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), l'Islam et les musulmans et
à enseigner les croyances de base convenues et les pratiques de
l'Islam. Pour le reste nous devrions prendre une attitude plus
détendue. Cela aiderait non seulement l'unité musulmane, mais
augmenterait aussi nos chances de succès dans l’éducation de nos
enfants en tant que musulmans, puisque le dogmatisme dans chaque
question peut, en définitive, éloigner notre jeunesse de l'Islam.
LE RÔLE DE LA COMMUNAUTÉ
Comme nous l'avons relevé plus tôt, le travail d’éducation des
enfants en tant que musulmans dans le monde occidental n’est pas
facile. La plupart des parents ne peuvent pas le gérer tout seuls.
Donc, une coopération rapprochée est nécessaire entre les parents et
la communauté. Les parents, en tant que membre et partie de cette
coopération, devraient porter intérêt au travail de la communauté et
y contribuer comme ils peuvent, tandis que la communauté, par ses
représentants élus, devrait fournir aux parents tous les équipements
dont ils ont besoin pour instruire leurs enfants dans l'Islam, les
rendre fiers et les mettre à l’aise avec les valeurs et les
traditions Islamiques.
Note : On rapporte qu’on a
demandé au Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam) s’il faut obéir
et honorer ses parents même s'ils font du "zulm" (de l'injustice)
envers leurs enfants. On rapporte que le Prophète (sallallâhou
alayhi wa sallam) a répondu que les parents ne peuvent pas faire du
"zulm" envers leurs enfants. Ce hadith doit être considéré comme non
authentique, puisque, comme nous l’avons déjà dit, il est en conflit
avec le livre de Dieu et les faits observés. De plus, ce hadith
semble incompatible avec quelques autres hadith où le Prophète (sallallâhou
alayhi wa sallam) exhorte des parents à bien traiter leurs enfants
et à dépenser pour eux, par exemple les deux hadiths suivants :
Joignant deux de ses doigts, le Prophète (sallallâhou alayhi wa
sallam) a dit: " Celui qui exécute ses prières correctement, qui
dépense pour ses enfants malgré ses modestes moyens et ne dit pas du
mal des autres sera au Paradis près de moi comme ces deux doigts."
Et:
" Celui qui donne aux filles, dépense pour elles et les traite bien
- Dieu le récompensera sûrement par le paradis."
Le fait même qu'un tel hadith encourage les parents à bien traiter
leurs enfants signifie bien que les parents peuvent ne pas toujours
aimer assez leurs enfants, sinon un tel encouragement ne serait pas
nécessaire. Les filles sont particulièrement les victimes de
l'égoïsme des parents dans beaucoup de cultures, où pour des raisons
économiques et sociales beaucoup de parents ne sont pas très heureux
d’avoir des filles. Retour
Article publié pour la première fois
dans le magazine "Al-Ummah"
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