Islamic Perspectives


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Le pouvoir et son opposition : dans une perspective islamique

Par: Dr. Ahmad Shafaat

(Traduction par E. Godard)

(2001)


L'islam reconna?t pleinement les deux r?alit?s qui sont ? la base de l'existence humaine : 

1.      l'exercice d'une certaine autorit? ou pouvoir par des individus sur d'autres est n?cessaire afin de cr?er et de maintenir l'ordre et le progr?s au sein d'une soci?t? (4:59, 43:32);

2.      il est facile pour un pouvoir de verser dans la corruption et de devenir une source d'injustice, d'oppression et de stagnation (6:123, 20:24, 27:34, 33:67, 34:34, 43:23-24, etc.).

Dans les pages qui suivent, j'esquisse, dans ses grandes lignes, la mani?re avec laquelle l'islam compose avec ces deux r?alit?s, en me basant principalement sur la th?orie tir?e de la source premi?re de l'islam le Coran. 

En g?n?ral, l'islam vise ? contr?ler cette vuln?rabilit? du pouvoir face ? la corruption en deux temps. Premi?rement, il a r?form? le concept m?me du pouvoir en soustrayant l'autorit? humaine ? toute forme d'absolu, en la rendant responsable et en d?finissant ses fonctions. Deuxi?mement, il autorise le peuple ? s'opposer au pouvoir corrompu. 

 

Base et fonction du pouvoir et de l'autorit? l?gitime

 

Le point de d?part de la conception islamique du pouvoir et de l'autorit? humaine est la proclamation : La ilaha illa allah (Il n'y a de dieu que Dieu). Le Coran lie souvent cette d?claration, constituant la premi?re partie de la confession de foi fondamentale de l'islam, avec la proclamation affirmant que l'autorit? et le pouvoir sont dans les mains de Dieu seul (2:165, 5:17, 12:40, 13:31, etc.). Cela veut dire qu'aucun ?tre

humain n'est en droit d'exercer ni pouvoir ni autorit? sur un autre ?tre humain, sauf entant que serviteur de Dieu.

 

Souvent les pouvoirs et les autorit?s corrompus utilisent la religion en soi comme moyen d'asseoir ses acquis et de les maintenir. C'est pour contrer cela que l'islam a instaur? un bon garde-fou pour pr?venir une telle ing?rence. Dans l'islam, il n'existe pas de pr?tre ordonn? ; ainsi tous ont le droit de diriger la pri?re ou de pr?sider une c?r?monie religieuse. Le Coran rejette explicitement l'id?e qu'un ?tre humain ait besoin de la m?diation de tout autre ?tre humain pour se rapprocher de Dieu. N'est-ce pas ? Dieu seul qu'est due une d?votion sans r?serve? ?Mais ceux qui prennent des protecteurs autre que Dieu (disent) : ?Nous les v?n?rons afin qu'ils puissent nous rapprocher de Dieu?? (39:3).

 

Bien entendu, les messagers de Dieu jouissent de l'exercice d'une autorit? sanctionn?e par le divin. Mais on les appelle, simplement, ? guider les hommes vers Dieu et ? les aider, par leur enseignement et leur exemple, ? ?tablir un lien avec Dieu. Dans l'islam, ces ?hommes de Dieu? n'agissent pas comme interm?diaires entre Dieu et le peuple. En effet, leur v?ritable mission est de permettre aux hommes de cr?er un rapport, une relation ind?pendante avec Dieu, sans aucun interm?diaire.

 

Souvent, un pouvoir oppressif se maintient en place en perp?tuant des id?es et des traditions auxquelles une validit? absolue est accord?es. Le Coran rejette cette notion : ?Et quand il leur est dit : ?Suivez tout ce que Dieu vous a r?v?l?, ils disent ? Non! nous suivons les doctrines qu'ont pratiqu?es nos p?res?. Comment? M?me si leurs p?res manquaient compl?tement d'intelligence et ne suivaient pas le bon chemin?? (2:170, aussi 5:77,104, 31:21, 43:22-24). Cependant, le Coran ne rejette pas ici les traditions simplement parce qu'elles appartiennent au pass? ou parce qu'elles ont ?t? cr??es par les ?tres humains. L'intention du Coran  est de laisser le peuple juger, de mani?re critique, ce que leurs anc?tres leur ont l?gu?s. Les disciples du Coran ne sont pas des rebelles compulsifs vis-?-vis la traditions ni des esclaves dociles face ? cette derni?re. En fait, la cause premi?re de tous les probl?mes humains r?side soit dans la tendance ? adh?rer, aveuglement, aux autorit?s du pass? ou, au contraire, celle de se rebeller contre elles. Le Coran, quant ? lui nous invite ? rejetter ces deux extr?mes.

 

De plus, le Coran enseigne que le pouvoir et l'autorit? l?gitimes de l'?tre humain ont pour fonction unique ?d'?tablir des pri?res ainsi que des pratiques charitables r?guli?res et d'imposer le bien et de proscrire le

mal? (22:41). Il est significatif que les mots utilis?s pour d?signer le bien et le mal (ma'ruf et munkar) font r?f?rence, en tout premier lieu, ? ce qui est universellement approuv? ou d?sapprouv? par la nature humaine

non pervertie. Le Coran voit la religion comme la vraie (non corrompue) nature (fitrah) de l'?tre humain, comme un savoir enracin? au fond de l'?tre (30:30-31, 91:7-10, 95:4-8).Tant les proph?tes que les messagers de Dieu ont manifest? cette fitrah de l'?tre humain et la r?v?lation n'est rien d'autre que cette manifestation.

 

En bout de ligne, puisqu'aucun ?tre humain n'a un droit inh?rant ? l'exercice de l'autorit? sur les autres, c'est l'exercice de toute autorit? humaine qui doit rendre des comptes. Le Coran insiste beaucoup sur la

responsabilit? de l'ensemble des actions humaines: tous seront appel?s ? r?pondre de leurs actes, incluant, bien entendu, les actions relevant de l'exercice du pouvoir et de l'autorit?.

 

Les principes mentionn?s plus haut s'appliquent ? l'ensemble des individus, sans exception, m?me aux messagers de Dieu. L'autorit? exerc?e par les messagers, de par la permission de Dieu (4:64), d?coule de leur position ? titre de serviteurs de Dieu qui manifestent la fitrah de l'?tre humain et le prot?gent contre les d?viations, que l'?tre humain est si prompt ? commettre. Ils sont pleinement humains et ne poss?dent pas de droit inh?rent rattach? ? l'exercice du pouvoir. Comme tout les autres ?tres humains, ils doivent ?tre tenus responsables de leurs actions et eux aussi devront devant Dieu rendre compte de ce qu'ils ont fait de cette mission divine qu'on leur a confi?e (5:112-113). De plus, ils se doivent d'exercer leur autorit? seulement sur ceux qui l'ont librement accept?e (2:256), encore que ceux qui rejettent cette autorit? doivent savoir qu'ils le font en d?viant de leur vraie nature et que, cons?quemment, ils r?colteront ce qu'ils ont sem?.

 

Le besoin de messagers r?pond ? la tendance de l'autorit? et du pouvoir ? se corrompre, puisque nous avons tous tendance ? la corruption. D'o? le besoin de personnes qui non seulement Panerai Replica ont vaincu cette tendance ? la corruption mais qui sont capable de servir d'exemple ? d'autres. Les musulmans sont ceux qui ont accept? Muhammad comme cet ?tre d'exception, une r?alit? qui trouve son expression dans la deuxi?me partie de la confession islamique : Muhammad rasul allah (Muhammad est le messager de Dieu).

 

Les messagers proviennent, presque toujours, des couches vuln?rables de la soci?t?. C'est vrai, par exemple, des trois grands proph?tes: Mo?se, J?sus et Muhammad. Mo?se est issu de la communaut? opprim?e d'esclaves que formaient les isra?lites d'Egypte. J?sus est issu de la nation juive vivant sous l'occupation romaine. De plus, ? l'int?rieur de la nation juive, J?sus ne faisait pas partie des riches et des puissants, mais appartenait ? une communaut? de paysans dans un petit village de Galil?e?La tradition ?vang?lique affirme la descendance royale de J?sus, mais le Coran n'en fait pas mention. Muhammad est n? pauvre et orphelin. Bien qu'assur?s de la victoire finale, les messagers font presque toujours opposition aux riches et aux puissants (6:34,112, 123, 14:13, 25:31, 34:34 etc) lesquels, de leur c?t?, s'attendent ? ce que, s'il y a un envoy? de Dieu, qu'il soit de leur rang (43:31).

 

 

Le pouvoir du peuple de s'opposer ? un usage corrompu de l'autorit?

 

Parfois, Dieu lui-m?me intervient pour d?loger un pouvoir corrompu. Premi?rement, par l'envoi d'un messager, qui sert d'avertissement. Puis, par la destruction du puissant, si l'avertissement n'a pas ?t? pris en ligne de compte. C'est ce qui est arriv? dans le cas du Pharaon! En fait, tous les proph?tes et messagers de Dieu ont n?cessairement ?t? impliqu?s dans une forme de confrontation avec des pouvoirs corrompus bien ?tablis qu'ils ont finalement d?log?s, parfois de leur vivant (comme dans les cas de Mo?se et de  Muhammad), parfois apr?s leur d?part (comme dans le cas de J?sus).

 

Mais puisque Muhammad est le dernier des proph?tes de Dieu, c'est le Coran qui assure une opposition ? cette tendance du pouvoir ? la corruption en d?sigant le peuple comme source de pouvoir pouvant d?fier ce m?me pouvoir autre qu'une intervention divine directe ? travers un messager. Le Proph?te n'a nomm? personne pour lui succ?der apr?s son d?part. C'est que sa fonction a ?t? transmise non pas ? un individu en particulier mais ? l'ensemble de la communaut? des croyants. C'est ainsi que dans sa vie, il a

?t? ?t?moin? alors qu'apr?s lui, ce r?le de ?t?moin? a ?t? l?gu? ? la communaut? enti?re (2:143, 22:78). La t?che de discerner, de recommander le bien (ma'ruf) et d'enjoindre ? ne pas faire le mal (munkar), n'est pas laiss?e, par le Coran, ? un individu en position d'autorit?, mais remise ? l'ensemble de la communaut? : ?Les hommes et les femmes croyants sont des amis qui se prot?gent les uns les autres; ils prescrivent ce qui est bien et interdisent ce qui est mal; ils ?tablissent et observent les pri?res r?guli?res et la charit? (9:71, voir aussi 3:104, 9:112, 31:17). Un hadith bien connu exprime cette intention en termes claires: ?Si quelqu'un d'entre-vous voie quelque chose de mal, qu'il le transforme de ses propres mains; s'il ne le peut pas, alors avec la langue; si il ne peut pas, alors avec son c?ur et cela est la foi la plus fragile?. Certaines versions ajoutent : ?Il n'y a aucune part de foi hors de cela, m?me pas l'?quivalent d'une graine de moutarde?. Le Coran ne reconna?t aucune tentative qui tend ? justifier la conduite de quelqu'un en bl?mant

le pouvoir ou les g?n?rations pr?c?dentes : chaque personne ? l'obligation de s'en tenir ? ce qui est au meilleur de ses capacit?s (7:38-39, 33:67-68).

 

Dans des versets qui mentionnent que c'est parmi les gens du peuple que certains vont s'?lever pour tenir en ?chec ceux qui pourraient propager la corruption dans le pays, on retrouve un autre exemple de cette reconnaissance du pouvoir du peuple : ?Si Dieu ne repoussait pas les hommes les uns par les autres, la terre serait remplie de d?sordre; mais Dieu est munificent envers tous les peuples? (2:251). ?Et si Dieu n'avait pas permis aux hommes de se d?fendre contre la transgression commise par d'autres, assur?ment auraient ?t? d?molis les clo?tres et les ?glises et les synagogues et les mosqu?es o? le nom de Dieu est souvent mentionn? (22:40; voir aussi 49:9-10).

 

Enfin, dans le principe de consultation mutuelle, on doit voir une autre occasion o? le Coran remet l'autorit? entre les mains du peuple : ?les croyants sont ceux dont les affaires sont d?cid?es ? travers des

consultations mutuelles? (42:38, 3:159).

 


*Toutes les r?f?rences renvoient au Saint Coran

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